Les tailleurs de pierre de l’Empire Inca ne connaissaient pas le ciment. En revanche, ils maîtrisaient leur technique à un point tel qu’ils étaient capables de faire des assemblages de pierre taillée avec une jointure parfaite, dont la technicité nous impressionne encore aujourd’hui.
Le plus grand bloc ci-dessous, célèbre pour ses 12 angles, mesure environ 1 m de haut. Posé il y a 7 siècles, il s’insère dans un mur de la ville de Cuzco au Pérou.
Figure 1 : la pierre à 12 angles de Cuzco
Utiliser l’espace de façon optimale, c’est aussi la volonté des techniciens des temps modernes. Dans les bâtiments contemporains, mettre la bonne pièce du puzzle à l’emplacement adéquat reste la priorité. Car le bon calepinage des matériaux et des systèmes conditionne le confort et la qualité de vie des occupants.
Osons l’analogie : avec un agencement adapté des brasseurs d’air, des volumes d’air en mouvement vont s’ajuster aussi parfaitement les uns avec les autres que des volumes de pierre figée.
Le calepinage des brasseurs d’air : une économie de moyens et de ressources
Pourquoi un ajustement précis entre les différents brasseurs d’air est-il si important ?
Deux impératifs doivent être conciliés, l’impératif budgétaire et l’impératif de confort thermique.
Trop peu brasseurs d’air dans un espace donné, et le confort devient insuffisant.
Trop de brasseurs d’air dans le même espace, et le budget dérape.
Le calepinage ne se limite pas à ces impératifs, il faut aussi tenir compte :
- de l’esthétique,
- d’espacements minimum à assurer entre les ventilateurs et avec les parois verticales,
- du conflit potentiel avec l’éclairage
- du passage des réseaux.
Calepinage des brasseurs d’air à pales : un cône d’influence limité
Ces ventilateurs de plafond sont souvent puissants, mais ils ont une zone d’influence souvent limitée, comme le montre le visuel ci-dessous.
Figure 2 – Répartition de la vitesse d’air avec un ventilateur à pales (Source : Gao et al., Université de Californie à Berkeley)
Dans ces conditions, il est intéressant de tenir compte des retours d’expérience des zones tropicales de la France d’Outre-Mer. Sous ces latitudes, pour des brasseurs d’air courants (diamètre 1,32m), des préconisations sont déjà en place.
Logements
RTAA DOM (voir p.12) et RT Guadeloupe (voir p.37): un brasseur d’air doit pouvoir être installé dans chaque chambre. Dans le séjour, un brasseur est demandé pour une surface allant jusqu’à 20 m², et deux au-delà.
Bureaux
La RT Guadeloupe prévoit, pour les bureaux et commerces, une densité minimale de 1 point par tranche de 20 m² de surface plancher occupées par les postes de travail ou l’accueil du public.
Salles de classe
Il n’y a pas de règlementation à proprement parler, mais les retours d’expérience recommandent des densités de 1 brasseur d’air (prévoir un diamètre minimum de 1,32 m) pour une surface allant de 10 à 12 m².
Un brasseur d’air spécifique doit être installé au niveau du poste de travail de l’enseignant, aussi bien dans une logique de performance que pour tenir compte du positionnement spatial particulier des professeurs.
Quelle distance prévoir entre les brasseurs d’air et les murs d’une part, entre les brasseurs d’air eux-mêmes d’autre part ?
L’aéraulique est une discipline complexe.
Sur des projets ambitieux, des CFD (pour Computational Fluid Dynamics), simulations numériques de dynamique des fluides peuvent être engagées. Naturellement, de telles études sont coûteuses, et elles ne peuvent pas être systématisées sur tous les projets.
Aujourd’hui, les retours d’expérience nous amènent à considérer les schémas d’implantation suivants :
- Écartement minimum ventilateurs-murs : 1 diamètre de pales (par exemple 1,32m)
- Écartement minimum entre ventilateurs : 2 diamètres de pales
- Répartition homogène des ventilateurs dans la pièce
Cela proscrit donc les installations de ventilateurs rasant les murs, ou de ventilateurs dont les pales sont très proches les unes des autres.
Vous trouverez ci-dessous un visuel de recommandation d’implantation de brasseurs d’air plafonniers.
Figure 3 – Ecartement minimum conseillé entre ventilateurs et avec les murs
Calepinage des brasseurs d’air sans pales : une répartition de l’air plus homogène
Les brasseurs d’air du type de ceux d’Exhale Fans ont un mode de fonctionnement bien spécifique : ils envoient de l’air à haute vitesse (entre 3 et 4 m/s) à l’horizontale à la hauteur du plafond. L’air utilise ensuite les parois pour rebondir, et ainsi, ventiler la pièce. La vitesse d’air est plus homogène dans la pièce qu’avec les brasseurs d’air à pales conventionnels, comme le montre l’illustration ci-dessous.
Figure 4 – Répartition de la vitesse d’air avec le brasseur d’air Exhale
Ce visuel représente les différentes vitesses d’air dans un local que nous avons instrumenté sur Biot le 28/5/2021.
Nous avons utilisé à cette fin l’appareil de mesure Testo 400, que nous avons positionné au niveau de la ceinture, du buste et de la tête en position assise, en différents points de la pièce.
Le rapport d’essai complet est fourni sur simple demande.
Une autre approche du calepinage : utiliser un calcul de vitesse d’air moyenne ?
La nouvelle réglementation environnementale RE2020 a vu apparaître une formule de calcul [i] dont l’utilité a été vite repérée par les professionnels.
La voici :
Vitesse d’air = 0,0032 x Taux de brassage
- Le taux de brassage est le ratio entre le débit du ou des brasseurs d’air en m/s rapporté au volume de la pièce en m3.
- La vitesse d’air est la vitesse moyenne en m/s dans la pièce.
Le calcul des degrés-heures de la RE2020 est directement impacté par ce calcul (voir notre article qui présente l’impact des degrés-heures).
A l’occasion de différents tests effectués dans des salles vides, nous avons constaté que cette formule approche assez bien la réalité.
Il s’agit toutefois d’une vitesse moyenne pour l’ensemble d’un local donné. Ainsi, à la verticale d’un ventilateur à pales, la vitesse sera plus élevée, mais comme cela est exposé plus haut, dès que l’on s’éloigne de plus d’un diamètre de la bordure extérieure des pales, la vitesse diminue drastiquement au niveau de la partie supérieure du corps.
De ce point de vue, un ventilateur sans pales impacte une zone plus grande, avec toutefois un débit d’air généralement plus faible que celui des ventilateurs à pales considérés comme performants.
Il est donc prudent, quand on fait un calepinage, de rester conscient que la vitesse d’air moyenne dans une pièce doit être pondérée par le type de matériel utilisé, car tous les emplacements de la pièce ne seront pas forcément bien couverts.
Le visuel ci-dessous, traitant spécifiquement des bureaux, montre d’ailleurs l’impact du mobilier sur la vitesse d’air.
Figure 5 – Impact d’un générateur de fumées simulant un brasseur d’air, sans et avec table ; source Gao & Al.
Vitesse d’air et simulation thermique dynamique (STD)
La vitesse d’air recherchée est également un sujet.
On peut remarquer par exemple qu’une vitesse d’air supérieure à 1 m/s n’est pas forcément adaptée à un environnement de bureaux (risque de feuilles qui volent).
Même si un impact thermique bénéfique peut apparaître avec des vitesses d’air faibles, il apparaît dans le diagramme ci-dessous [ii] qu’il faut viser un minimum de 0,30 m/s, pour amener un refroidissement effectif.
Figure 6 – diagramme extrait du Guide de Ventilation Woods.
C’est à ce stade que la STD peut amener un apport très utile, en simulant le nombre d’heures d’inconfort supérieures à une température donnée. Cela permet ensuite d’aller chercher une vitesse d’air qui pourra amener le refroidissement équivalent voulu.
Attention à l’effet stroboscopique
Cet effet est bien connu par les professionnels de la France d’Outre-Mer, qui y sont confrontés depuis de nombreuses années.
L’éclairage et les brasseurs d’air à pales ne font pas toujours bon ménage. Il faut d’ailleurs noter que cette problématique n’existe pas avec les ventilateurs de plafond sans pales.
Pour éviter l’effet stroboscopique (coupure régulière de la lumière par le passage des pales), il faut veiller à bien espacer les pales par rapport au champ lumineux.
Dans le cas d’une implantation avec sur un faux plafond, il faut bien veiller à positionner les brasseurs dans l’espace adjacent se trouvant entre 4 luminaires.
Hauteur sous plafond : respecter la norme
Il est important de veiller à respecter la la norme de sécurité NF EN CEI 60335-2-80. Celle-ci impose une hauteur de 2,30 m minimum sous les pales, et nous avons publié un texte détaillé sur le sujet.
Implanter des brasseurs d’air : l’art et la manière
Le calepinage réconcilie deux talents.
D’abord, la capacité à bien appréhender l’espace, avec en particulier les interactions avec l’environnement. Il faut donc penser à l’utilisateur, mais également à l’éclairage et aux autres réseaux, qui vont déterminer une implantation réussie.
Ensuite, il faut savoir calculer les choses : quand c’est possible, s’appuyer sur une simulation thermique dynamique, déterminer les vitesses d’air souhaitées, déterminer la quantité d’appareils nécessaire dans un local donné.
Ainsi, pour réussir pleinement vos projets d’implantation de ventilateurs de plafond, gardez toujours à l’esprit cette double approche, et associez technique et esthétique.
[i] Voir page 979 de la méthode de calcul RE2020
[ii] Le diagramme de Givoni, qui intègre température, humidité et vitesse d’air, nous semble bien adapté en climat tropical, et moins opérationnel dans le contexte de la France métropolitaine. Nous avons en effet peu de retours sur un inconfort lié à l’humidité en climat tempéré. C’est pourquoi nous privilégions le diagramme à deux dimensions (température et vitesse d’air).
[iii] Ce diagramme est extrait du guide de dimensionnement du CBE – Berkeley
[iv] Source image : guide de dimensionnement CBE – Berkeley.