La simulation thermique dynamique (STD) a gagné ses lettres de noblesse ces dernières années. Plébiscitée par de nombreux labels environnementaux, tels que les démarches Bâtiments Durables, HQE ou BREEAM, cette méthode permet à la fois d’approcher les consommations réelles au plus près, mais aussi de penser l’enveloppe et les systèmes du bâtiment pour améliorer le confort d’été.
Pour autant, la STD demeure une modélisation. Elle n’est pas la garantie d’un confort thermique impeccable dans la réalité.
Parmi les outils disponibles, il existe notamment TRNSYS et IESVE, mais le module STD COMFIE de Pleiades est reconnu comme l’outil le plus communément utilisé en France par les bureaux d’études.
Dans cet article, nous nous concentrerons ainsi sur ce logiciel STD d’Izuba énergies pour montrer comment en tirer le meilleur, spécifiquement par rapport aux problématiques de brasseurs d’air et de confort d’été.
Les visuels sont issus de la mise à jour d’octobre 2023. Des versions plus anciennes du logiciel présentent donc un aspect différent.
Nous suggérons fortement, préalablement à la lecture du texte ci-dessous, de prendre d’abord connaissance de notre publication : « Confort thermique estival et brasseurs d’air : peut-on quantifier notre ressenti ? »
Précisons ensuite que cet article n’a pas vocation à être un tutoriel alternatif à la documentation de l’éditeur du logiciel Pleiades, mais plutôt à amener des informations spécifiques aux brasseurs d’air dans un contexte de STD.
Enfin, nous voyons se développer le recours à la modélisation de mécanique des fluides numérique (ou CFD pour Computational Fluid Dynamics), qui permet de simuler avec une grande précision les vitesses d’air. Cette technique, distincte de la STD, est assez coûteuse à l’heure actuelle. Réservée à une minorité de projets, elle n’est pas traitée dans la publication qui suit.
Paramètres de confort : quelles données d’entrée ?
Données d’ensemble
Le visuel ci-dessous résume les données d’entrée de l’analyse de confort, que nous allons examiner par blocs.
Figure 1 : vue globale des paramètres de confort
Catégorie d’ambiance
Figure 2 : bloc catégorie d’ambiance
Pleiades s’appuie sur les normes EN 15251 (Critères d’ambiance intérieure) et EN 7730 (Ergonomie des ambiances thermiques)[i]. L’outil demande tout d’abord de choisir une catégorie d’ambiance.
Le choix de la catégorie d’ambiance détermine le niveau de PPD et de PMV maximum. Ces notions d’appréciation du confort thermique sont décrites dans l’article recommandé dans l’introduction.
Le niveau I de la catégorie d’ambiance est le plus exigeant : le pourcentage d’insatisfaits y est fixé à 6%. Il passe ensuite à 10% en niveau II et à 15% en niveau III.
Le niveau II est généralement recommandé.
Températures limite de confort
Il est ensuite possible de saisir une température minimale et une température maximale de confort qui seront utilisées pour la zone. 28°C est une valeur haute habituellement retenue. Il est possible d’ignorer les inconforts bas en cochant la case « Inconfort chaud uniquement ».
A noter que les limites de confort peuvent être redéfinies dans les tableaux de synthèse des résultats de confort après la simulation.
Mode de calcul de l’indicateur DH
L’indicateur DH, issu de la réglementation RE 2020, est également disponible en STD. Cet indicateur, calculé de la même manière que dans la réglementation, évalue les écarts entre la température du bâtiment et une température de confort (température adaptée en fonction des températures des jours précédents, variant entre 26 et 28°C).
Sa valeur représente le cumul de tous les inconforts pondérés sur l’année.
Le mode de calcul diffère entre bâtiment tertiaires et résidentiels. Pour ces derniers, on ne prend pas en compte le confort adaptatif la nuit, la température limite reste à 26°C.
L’indicateur DH permet de valoriser les ventilateurs de plafond. En présence de brassage, la limite haute de confort est automatiquement ajustée pour tenir compte du brassage d’air. Il faut donc laisser telle quelle, sans la modifier, la température Tmax.
La vitesse d’air est reprise de la « Vitesse d’air été » saisie au niveau des zones. Elle peut être modifiée directement dans le tableau de la figure 12 ci-dessous pour recalculer les indicateurs.
Vitesse d’air « été »
Cette vitesse d’air est utilisée pour l’évaluation en période estivale des indicateurs DH, température intérieure acceptable en zones non climatisées (EN 15251). L’outil ne propose qu’une saisie par pas de 0,5 m/s.
La vitesse d’air varie selon le type de brasseur d’air utilisé (à pales ou sans pales) et selon l’emplacement de l’occupant dans un volume donné.
C’est à ce stade que des visuels de vitesse d’air montrent leur pertinence.
Pour bien utiliser les représentations ci-dessus, voici les hauteurs approximatives des différentes parties du corps humain, en position assise :
Partie du corps | Tête | Buste | Ceinture | Chevilles |
---|---|---|---|---|
Hauteur (m) | 1,40 | 1,00 | 0,60 | 0,10 |
Il faut aussi noter que la vitesse d’air est réduite par la présence de mobilier. Ainsi, dans le cadre d’une campagne de mesure sur un site d’enseignement, nous avons observé une diminution de la vitesse d’air moyenne de 25% en présence du mobilier scolaire, ce qui donne un ordre d’idée.
La proximité du brasseur d’air, la présence de mobilier, la position des utilisateurs étant des données variables, la vitesse d’air n’est pas homogène dans l’ensemble de la zone.
Il s’agit donc de prendre une approximation de vitesse valable pour la plupart des occupants.
C’est une vitesse d’air en situation de débit maximal qu’il faut saisir dans la rubrique « vitesse d’air au-delà de 25°C » Or, nos retours d’expérience nous amènent à considérer qu’une vitesse supérieure à 1 m/s semble très optimiste en dehors des laboratoires.
Par ailleurs, comme l’a montré le programme BRASSE[ii], l’impact bénéfique de la vitesse d’air se traduit par un effet rafraîchissant de 1,5°C dès 0,2 m/s.
Un bon calepinage[iii], prévoyant une densité suffisante de ventilateurs de plafond et permettant à l’ensemble des occupants d’obtenir la vitesse d’air saisie, est indispensable.
Voici nos mesures de vitesse d’air moyenne, en 5 points, sur 3 hauteurs différentes (tête, buste, ceinture), dans une pièce fermée dénuée de mobilier.
Vitesse d’air mesurée (m/s) | Volume fermé (chambre), calepinage 1 brasseur/12 m² Salle dénuée de mobilier |
---|---|
Exhale (sans pales) | 0,65 |
Samarat (monobloc tripales) | 0,80 |
Métabolisme et vitesse d’air
Le métabolisme (MET) correspond à l’activité des occupants : la palette de choix apparaît en figure 9, et chaque niveau d’activité métabolique correspond à une valeur. Pour une activité de bureau, on retiendra « repos assis », MET=1. Pour un enseignant, on pourra retenir « activité légère debout », MET =1,6. L’augmentation de la valeur MET traduit la dépense énergétique du corps, qui aura donc besoin de se rafraîchir.
C’est par exemple la raison d’être d’un brasseur d’air spécifiquement dédié à l’enseignant, installé à la verticale de son poste de travail.
La vitesse d’air est également saisie dans cette rubrique de généralités. Il s’agit là d’une donnée de base annuelle, et non de la vitesse d’air estivale ; c’est pourquoi nous conseillons une valeur comprise entre 0 et 0,1.
En saison de chauffage, le côté bénéfique des ventilateurs de plafond en termes de déstratification et d’économies d’energie n’est pas pris en compte par Pleiades. Pour cette raison, nous ne traitons pas la saison d’hiver, et nous concentrons sur la saison d’été.
Habillement pour le calcul des indicateurs PPD/PMV
La valeur à retenir pour l’habillement est à rapprocher des pratiques usuelles dans les locaux concernés. Il va de soi que plus on est habillé léger, plus il est facile de résister à des températures élevées sans recourir à la climatisation.
Il est possible d’affiner encore les choses en jouant sur la modulation des vêtements pour la même zone, c’est-à-dire que les occupants peuvent ajouter ou retirer des couches de vêtements au sein de la même saison.
Diagrammes de confort thermique
A l’issue de ce paramétrage, il faut lancer les calculs, puis choisir « confort » dans le menu déroulant en en-tête de la synthèse des résultats.
Cette synthèse donne accès à l’ensemble des indicateurs de confort.
Heures d’inconfort
Le tableau ci-dessus permet d’observer notamment, zone par zone, les heures d’inconfort et le pourcentage de temps d’inconfort en dessous de la limite basse et au-dessus de la limite haute. Ces limites peuvent être modifiées directement dans le tableau pour recalculer les indicateurs.
Diagramme de Givoni
Ce visuel montre les zones de confort thermique estival, en tenant compte de la température, de la vitesse d’air et de l’hygrométrie.
En raison de son côté clair et didactique, ce diagramme remporte un franc succès, notamment auprès des maîtres d’ouvrage.
Toutefois, il ne tient pas compte de la réaction propre à chaque individu face à un contexte thermique et hygrométrique donné. En outre, il n’intègre pas l’adaptation progressive du corps humain aux températures, la dynamique de l’adaptation n’est pas prise en compte.
Confort adaptatif
On observe ci-dessous les limites des zones définies en tenant compte de la catégorie d’ambiance (ici catégorie II). Les points qui sortent de ces limites correspondent à des heures d’inconfort. Ici tous les points sont en dessous de la limite haute.
Dans des conditions de confort estival (températures opératives intérieures > 25 °C), et lorsqu’il y a un brassage d’air, conformément à la norme (partie confort adaptatif), les limites supérieures du graphique ci-dessous sont augmentées de quelques degrés.
PMV/PPD
Les calculs de PMV/PPD estivaux s’appliquent exclusivement aux locaux climatisés pendant la saison estivale (et à tous les locaux chauffés en hiver). Ces notions d’appréciation du confort thermique sont décrites dans l’article recommandé dans l’introduction.
Le visuel PMV/PPD ci-après correspond à la seule période de climatisation. Pendant cette saison, la limite bleue de l’insatisfaction à 10% (échelle de gauche) n’est pratiquement jamais dépassée. Il ne prend pas en compte la vitesse d’air éventuelle amenée par les brasseurs d’air.
De même, les limites rouges fixées pour le vote moyen à 0,5 (échelle de droite) ne sont pratiquement pas franchies pendant la période. Pour mémoire, rappelons que +1 correspond à « légèrement chaud », -1 à « légèrement froid ».
Couplage climatisation et brasseurs d’air : intégrer les gains de consommation
Dans le cadre d’un couplage entre climatisation et brasseurs d’air, il est possible d’estimer les gains de consommation via la SED, calcul des consommations avec systèmes.
Ainsi, dans une première simulation, le thermicien va procéder à un calcul standard avec climatisation. Dans un second calcul, il va intégrer à la fois :
- la hausse de la consigne de climatisation (par exemple en passant à 28°C), en tenant compte du gain de température ressentie liée à l’usage des ventilateurs de plafond. On pourra s’inspirer du diagramme issu du Guide de Ventilation Woods (voir notre article consacré au confort thermique estival).
- la réduction de la période de climatisation en tenant compte de l’impact des brasseurs d’air en mi-saison.
STD avec Pleaides : vers un outil encore plus performant ?
Le module STD COMFIE de Pleaides est apprécié à juste titre pour traiter les questions de confort d’été. Il s’appuie sur des normes reconnues, fait apparaître des valeurs importantes (nombre d’heures d’inconfort), permet la prise en compte des ventilateurs de plafond, facilite la conception bioclimatique du bâtiment…
Pour autant, l’histoire ne s’arrête pas là et des améliorations nous semblent mériter d’être intégrées dans de prochaines éditions du logiciel pour optimiser la prise en compte des brasseurs d’air :
- intégration de la norme européenne EN 16798, qui remplace la norme EN 15251 ;
- intégration de la norme étatsunienne ASHRAE 55-2020 ;
- en corollaire, élargissement de la gamme des vitesses d’air possibles en été ;
- actualisation des graphiques, par exemple en s’appuyant sur les travaux en code source libre du Centre pour l’Environnement Bâti de l’Université de Berkeley en Californie (PMV et Confort Adaptatif).
- gain énergétique lié à la déstratification hivernale (près de 30% dans les locaux de grande hauteur).
En somme, l’utilisation de la STD pour améliorer la conception des bâtiments, notamment pour faire face aux fortes températures estivales, offre de très belles perspectives.
[i] La norme NF EN 15251 est désormais remplacée par la norme NF EN 16798 (Performance énergétique des bâtiments).
Il est à noter que ces normes évoluent moins régulièrement que leur équivalent étatsunien, l’ASHRAE 55-2020, qui est considérée comme la plus pertinente aujourd’hui.
Nous avons d’ailleurs présenté précédemment ces deux normes dans l’article « Confort thermique estival et brasseurs d’air : peut-on quantifier notre ressenti ? »
[ii] Soutenu par l’ADEME, ce programme de recherche est mis en œuvre par un consortium associant Surya consultants, pilote du projet (bureau d’études, recherches et développement/ Thermique – énergie – environnement – modélisation) ; LASA (laboratoire privé en acoustique) ; ISEA (soociologue indépendant) ; Laboratoire PIMENT – Université publique de la Réunion (Génie de l’Habitat et génie thermique) ; Laboratoire Eiffel aérodynamique, filiale du groupe CSTB (aérodynamique – expérimentation) ; EnvirobatBDM : (centre de ressources et démarche bâtiments durables méditerranéens). Ce programme est lauréat de l’appel à projets de recherche Bâtiments responsables 2020.
[iii] Le sujet du calepinage est traité ici : Brasseurs d’air : quelles règles de calepinage ?