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Certains bureaux d’études énergétiques pourraient être tentés de répondre que c’est la quadrature du cercle.

Maxime Jaymond, dirigeant des bureaux d’études, New Energie Concept & Carbone, a relevé le défi, y compris pour les configurations les plus complexes, comme celles des zones de bruit élevées (BR2 et BR3), et a nourri cette publication avec ses simulations.

Figure 1 : la quadrature du cercle…

Précisons que cet article a vocation à être actualisé dès que nous disposerons de nouveaux éléments. Pensez par conséquent à vous inscrire sur notre espace pro pour être tenu au courant de nos futures mises à jour[i].

Pourquoi est-il complexe de respecter la RE2020 en logement collectif sur le littoral Sud-Est ?

Avec la RE2020, les contraintes se sont grandement multipliées depuis la RT2012[ii]. Auparavant, les logements collectifs neufs devaient respecter principalement trois grandes exigences :

  • Le Bbio, besoin bioclimatique du bâtiment, avait pour objectif de pousser à une conception exigeante sur l’enveloppe du bâtiment, et plus spécifiquement sur une isolation performante pour la saison d’hiver. Ainsi, même si le calcul prenait en compte les besoins de climatisation, ils n’étaient effectués que dans les configurations où celle-ci était nécessaire (zones très bruyantes par exemple).
  • Le Cep, indicateur de la consommation d’énergie primaire[iii], encadrait la consommation des systèmes thermiques du bâtiment.
  • La Tic, température intérieure conventionnelle, avait pour intention de favoriser un bâtiment résilient en termes de confort estival.
Logements collectifs en bordure méditerranéenne RE2020

Figure 2 : logements collectifs, Source Pardinan/Pixabay

Désormais, les indicateurs sont à la fois enrichis et complexifiés :

  • Le Bbio, jusqu’ici focalisé sur l’hiver, intègre désormais systématiquement les besoins de froid du bâtiment, que le bâtiment soit climatisé ou non. Il s’agit donc de concevoir une enveloppe capable de limiter le recours à la climatisation en été.
  • Le Cep est conservé, et se voit adjoindre un critère complémentaire, le Cepn,r. Ici, c’est seulement la part non renouvelable de la consommation d’énergie qui est prise en compte, le but étant justement de favoriser le recours aux énergies renouvelables tout en en limitant leur usage aux consommations internes du bâtiment. Le Cepn,r limite également le recours aux énergies fortement émettrices de CO2 (fossiles) ou présentant de fortes contraintes sur les sources d’énergies primaires (électricité).
  • Les degrés-heures remplacent la Tic. Ce nouvel indicateur, que nous avons présenté dans un autre article, a vocation à limiter le nombre d’heures de surchauffe estivale. Dans le cas des logements collectifs, l’analyse des degrés-heures est différenciée pour les logements traversants et non-traversants ; chacune de ces deux valeurs doit respecter les exigences règlementaires.

Ainsi, ce sont 5 grandes valeurs qu’il s’agit désormais de respecter, concernant l’énergie et le confort d’été, dès lors que l’on entend produire un bâtiment de logements collectifs :

  • Bbio
  • Cep
  • Cepn,r
  • DH- zone traversante
  • DH-zone non traversante

Résumons-nous : un Bbio plus exigeant et des degrés-heures difficiles à atteindre en zone H3 (Méditerranée) s’ajoutent à un indicateur Cepn,r qui apporte de nouvelles contraintes sur les système…

Tout cela contribue à accroître les maux de crâne des architectes et des bureaux d’études qui planchent sur le sujet.

Enfin, rappelons que l’autre grande nouveauté de la RE2020 est l’arrivée des indicateurs carbone, et que ce ne sera pas le sujet de cette analyse.

Comment atteindre la conformité en logements collectifs de la manière la plus simple possible et en limitant les coûts ?

Aller à la solution la plus courante, la plus économique, sur un bâtiment-type en zone H3,  nécessite un bon nombre de simulations. Elles ont été conduites sur le logiciel Perrenoud U22Win V6 sur les 3 variantes ci-dessous :

  • Zone BR1 (calme), sans climatisation
  • Zone BR2/3, sans climatisation
  • Zone BR2/3, avec climatisation

New Energie Carbone a travaillé sur un bâtiment de 2233 m², avec 36 logements en R+2 et 2 niveaux de sous-sol. 1 local commercial vient compléter le tout.

La typologie est la suivante : 6 studios non traversants, 8 T2 non traversants, 6 T3 traversants et 8 T3 non traversants. Les 8 T4 sont tous traversants.

La caractérisation de départ (base) est la suivante :

Murs béton + ITI polystyrène R=3,4
Sol Lnc dalle béton + flocage R=4
Sol Ssol dalle béton + polyuréthane R=2,6 sous chape
Sol sur local commercial dalle béton + flocage R=4
Toit Terrasse dalle béton + polyuréthane R=5,5 sous protection
Ponts thermiques rupteurs en périphérie des dalles entre étages hors balcons
rupteurs en périphérie des dalles de terrasses au niveau des acrotères
Menuiseries PVC avec double vitrage peu émissif à rupture de ponts thermiques Uw=1,4
coffres de volets roulants PVC monobloc Uc=2,0 avec lames PVC – commande manuelle NON électrifiée
Ouvrabilité des menuiseries porte fenêtre 1 vantail avec allège fixe vitrée = 50%  / Fenêtres et porte fenêtres sans allège fixe = 80%
Étanchéité à l’air 1 m3/h.m2
Ascenseurs 2 cabines standards par défaut (1m/s – 630Kg – traction avec réduction)
Ventilation mécanique logements : VMC simple Flux Hygro b
sous-sol : ventilation mécanique régulée (puissance par défaut)
Éclairage sous-sol et extérieur : sur détection
Chauffage chaudière gaz individuelle + radiateur 60/40°C + têtes thermostatiques VT=0,4
ECS chaudière gaz instantanée

Zone calme, sans climatisation

De nombreuses simulations ont été réalisées. Le seul indicateur à être respecté en configuration de base est le Cepmax !

Par souci de simplicité, seules la simulation de base (non conforme) et deux simulations répondant à l’ensemble des exigences sont présentées ci-dessous.

Figure 3 : zone calme, côte d’Azur, Source Hpgruesen/Pixabay

Première simulation opérationnelle

A la configuration de base a été ajoutée :

  • le déploiement de brasseurs d’air Samarat (voir ici pour lien Edibatec) : dans l’ensemble des chambres (y compris en zone traversante) en mode nuit et dans l’ensemble des séjours des zones non traversantes en mode jour[iv],
  • la généralisation de volets roulants automatiques avec horloge personnalisable
Voici le résultat obtenu :

Configuration Bbiomax
(max 58,7)
Cepmax
(max 71,6)
Cepn,r
(max 58,9)
DH zone traversante
(max 1250)
DH zone non traversante
(max 1250)
Base 60,2 64,9 64,9 1422,8 2390,3
Complément brasseurs d’air Samarat toutes chambres (nuit) + séjours non traversants (jour) et VR automatiques avec horl. pers. 50,8 56,6 56,6 722,5 873,0

Seconde simulation opérationnelle

Dans ce format, les volets roulants automatiques avec horloge personnalisable ont été retirés.

La configuration de brasseurs d’air part de la situation précédente.

Pour atteindre les objectifs, les éléments suivants ont été adaptés :

  • Ajout de brasseurs d’air Samarat dans les séjours en zone traversante (jour)
  • Isolation des murs 12 cm, R=4,1 m².K/W
  • Isolation toiture PU 16 cm, R=7,3 m².K/W
  • Isolation RDC PU 10 cm, R=4,65 m².K/W
  • Coffre VR demi linteaux Uc=0,8
Voici le résultat obtenu :

Configuration Bbiomax
(max 58,7)
Cepmax
(max 71,6)
Cepn,r
(max 58,9)
DH zone traversante
(max 1250)
DH zone non traversante
(max 1250)
Base 60,2 64,9 64,9 1422,8 2390,3
Complément brasseurs d’air Samarat toutes chambres (nuit) + tous séjours (jour) et isolation renforcée (murs R=4,1 ; toit R=7,3 ; RDC R=4,65 et Coffres Uc = 0,8) 52,5 58,4 58,4 665,6 1208,4

Cette seconde configuration permet certes d’obtenir le résultat voulu, mais au prix d’un renforcement très significatif de l’isolation, ce qui n’est pas forcément le plus simple à envisager sur le plan des équilibres économiques.

On peut noter que :

  • Les brasseurs d’air ont un impact fort sur les DH;
  • Ils ont un effet bénéfique sur Cep nr;
  • Entre les différents modes, le mode « jour et nuit » est le plus pénalisant;
  • Le fait de constituer deux ensembles de brasseurs, l’un dédié au jour, l’autre à la nuit, peut permettre de gagner des points de Cep nr (en contrepartie d’un fort équipement).
  • Les ventilateurs de plafond n’ont rigoureusement aucun impact sur le Bbio.

Enfin, pour mémoire, les brasseurs d’air apparaissent indispensables dès lors qu’un bâtiment de logements collectifs comporte des logements non traversants.

Note sur le bâtiment passif

Même si ce n’est pas l’objet des hypothèses présentées ici, rappelons qu’une conception de bâtiment passif, très fortement isolé, peut avoir de grandes vertus, aussi bien en été [v]qu’en hiver, et permettre des consommations résiduelles dérisoires.

Le modèle économique du bâtiment passif est évidemment différent, mais il peut tout à fait être pertinent, que ce soit en logement de standing ou en logement social.

Zone bruyante, sans climatisation

La situation se complique, car l’exigence DH reste au même niveau alors que les fenêtres des logements doivent logiquement rester plus souvent fermées pour supporter le bruit.

En revanche, les niveaux de Bbio, de Cep et de Cep,nr sont plus indulgents. Ainsi, le Bbio est atteint dès la configuration de base.

Dans cette configuration, il faut aller beaucoup plus loin, les DH en zone non traversante étant les plus délicats à atteindre.

Figure 4 : zone bruyante (Marseille, Vieux-Port), Source Lecreusois/Pixabay

Un format qui permet d’atteindre l’objectif 5 indicateurs est le suivant.

  • Brasseurs d’air Samarat dans toutes les chambres (nuit) + et tous les séjours (jour)
  • Volets roulants automatiques avec sonde crépusculaire
  • Isolation des murs 12 cm, R=4,1 m².K/W
  • Isolation toiture PU 14 cm, R=6,8 m².K/W
Voici le résultat obtenu :

Configuration Bbiomax
(max 71,7)
Cepmax
(max 71,6)
Cepn,r
(max 58,9)
DH zone traversante
(max 1250)
DH zone non traversante
(max 1250)
Base 63,3 62,8 62,8 1826 3092,9
Complément brasseurs d’air Samarat dans toutes les chambres (nuit) + et tous les séjours (jour) ; volets roulants automatiques avec sonde crépusculaire ; isolation des murs R=4,1 ; isolation toiture R=6,8 48,3 58,4 58,4 669,8 1131,2

Dans cette zone de bruit élevée, le confort d’été est atteint avec des brasseurs d’air associés avec des volets roulants pilotés par sonde crépusculaire. Mais pour atteindre la valeur requise de Cepn,r, le renforcement de l’isolation est nécessaire.

Le niveau de coût de l’opération est naturellement rehaussé par ces contraintes.

Zone bruyante, avec climatisation

Nous sommes ici dans un cas à part. La présence de climatisation rend l’objectif Cepn,r difficile à atteindre, et passe par un ensemble de solutions créatives.

Comme dans le cas précédent, le niveau de Bbio est plus indulgent, et il est atteint dès la configuration de base.

Le fait de climatiser a pour conséquences de rendre inopérants les brasseurs d’air dans le calcul d’une part, et d’accroître la valeur de référence des DH, y compris en zone non traversante d’autre part.

Un format qui permet d’atteindre l’objectif 5 indicateurs est le suivant.

  • Toiture combles légers ventilés avec laine soufflée 36 cm, r=8 m².K/W
  • Porte-fenêtres sans allège fixe
  • Volets roulants automatiques avec sonde crépusculaire
Voici le résultat obtenu :

Configuration Bbiomax
(max 71,7)
Cepmax
(max 80,1)
Cepn,r
(max 65,9)
DH zone traversante
(max 2100)
DH zone non traversante
(max 2100)
Base + climatisation (EER 3,5) 63,3 72,1 72,1 1825,8 3092,9
Complément climatisation ; toiture combles légers ventilés avec laine soufflée R=8 ; porte-fenêtres sans allège fixe ; volets roulants automatiques avec sonde crépusculaire 45,2 63,6 63,6 1127,2 2033,6

La solution « toiture combles légers ventilés », bien isolée, permet de protéger la toiture du bâtiment du rayonnement solaire. Les portes-fenêtres sans allège fixe augmentent le taux d’ouverture qui passe de 50 à 80%, et permettent donc une meilleure circulation de l’air. 

L’objectif RE2020 est atteint ! Mais cette configuration est-elle satisfaisante ?

Tout d’abord, bâtir dans des zones exposées au bruit doit permettre cette option de recours à la climatisation, ce qui est intégré dans la RE2020.

Ensuite, dans la réalité de l’occupation des logements concernés, on est en droit de penser que les fenêtres pourront être ouvertes en été, notamment tard la nuit. Dans ce schéma, trois impacts positifs apparaissent, y compris pour les pièces non traversantes :

  • le confort amené par le flux d’air sur le corps humain ;
  • la meilleure diffusion de l’air frais extérieur nocturne dans la pièce rafraîchit les parois plus rapidement, puis est renvoyée sur l’occupant par convection (les ventilateurs de plafond brassent souvent plus de 100 volumes/heure contre environ 4 volumes/heure pour la climatisation) ;
  • les économies d’énergie amenées par l’arrêt de la climatisation.

Il faut ajouter que le couplage de la climatisation avec les brasseurs d’air, qui a été traité dans un article spécifique, permet de hausser la consigne de refroidissement de plusieurs degrés, avec à la clef des économies d’énergie significatives à confort ressenti équivalent. Pour autant, ceci n’est pas encore pris en compte par le moteur de calcul réglementaire.

Synthèse sur la conception des logements collectifs en zone H3

Cette analyse approfondie établie par New Energie Carbone nous montre que chaque situation appelle une solution spécifique, et que les optimisations technico-économiques suivantes peuvent être envisagées :

  • en zone calme, implantation significative de brasseurs d’air performants couplée à des volets roulants automatiques avec horloge personnalisable pour limiter les apports solaires ;
  • en zone bruyante non climatisée, généralisation de brasseurs d’air performants dans toutes les pièces ; volets roulants automatiques avec sonde crépusculaire pour une plus forte limitation des apports solaires ; isolation renforcée ;
  • en zone bruyante climatisée, recherche de solutions constructives supplémentaires qui vont limiter les apports de chaleur, associées à des moyens de protection et d’évacuation passifs de la chaleur. Nous pouvons citer la mise en place d’une toiture combles légers ventilés fortement isolée ; de portes-fenêtres sans allège fixe (qui permettent une meilleure circulation de l’air) ; de volets roulants automatiques avec sonde crépusculaire pour une plus forte limitation des apports solaires.

La RE2020 permet évidemment des améliorations sur les consommations d’énergie et sur le confort d’été. Pour autant, il faut rester attentif à certains aspects de bon sens que ne couvre pas la réglementation. Ainsi, dans un contexte de crise énergétique majeure, les brasseurs d’air constituent une solution opérationnelle, y compris en logements climatisés, même si le moteur de calcul ne les prend pas en compte.

Figure 5 : chambre équipée d’un brasseur d’air Samarat

[i] Nous publions une lettre d’information trimestrielle qui informe les personnes et sociétés inscrites des informations techniques les plus récentes.

[ii] RE2020 : la règlementation environnementale applicable aux bâtiments neufs, est entrée en vigueur en logements le 1er janvier 2022. La RT2012, règlementation thermique précédente, a vu son application commencer pour les logements le 1er janvier 2013.

[iii] L’énergie primaire (Ep) est générée sur le lieu de production : électricité et chaleur dans le cas d’une centrale électrique de source fossile ou nucléaire. L’énergie finale (Ef) est utilisée sur le lieu de consommation. Le Cep, consommation d’énergie primaire, affecte un coefficient multiplicateur à l’énergie consommée localement pour estimer le besoin de production en amont. Ainsi, pour l’électricité en RE2020, l’énergie primaire = énergie finale x 2,3.

[iv] Il s’agit donc de bien constituer deux familles de brasseurs d’air, les uns en zone jour, les autres en zone nuit.

[v] Voir à ce propos le mémoire de thèse professionnelle de MS de Lionel Mallet « Comment construire un bâtiment bioclimatique pour que son comportement passif soit adapté au climat méditerranéen à l’horizon 2050-2100 ? »

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